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LA CRECHE MUNICIPALE
Il, est de tradition dans les milieux médicaux, de
considérer les crèches de jour comme des institutions néfastes, de leur
reprocher une mortalité infantile importante, et de désigner par le terme
péjoratif de "crèchons" les enfants qui les fréquentent. Cette opinion a une
raison d'être trop souvent les crèches ont été mal installées, mal aérées, les
enfants mal soignés; mais si les crèches, au contraire, disposent de locaux
vastes, ensoleillés, si les enfants peuvent y jouir du grand air en été, si les
soins et l'alimentation y sont. rigoureusement surveillés, dès lors les enfants
s'y développent beaucoup mieux que chez la voisine souvent mal logée et, plus ou
moins experte à qui la mère, obligée de travailler, confierait son enfant. Quant
à la mortalité, les chiffres cités plus bas montrent que dans une crèche bien
tenue elle peut être très inférieure à la mortalité moyenne des enfants du même
âge.
Reconstruite en 1912 sur son emplacement actuel, la crèche municipale de
Montrouge reste, malgré son âge, une des mieux installées du département de la
Seine. Elle reçoit les enfants âgés de moins de trois ans, dont les mères
travaillent hors de chez elles; celles-ci peuvent les amener à la crèche à
partir de 7 heures du matin, et doivent les y reprendre avant 7 heures du soir.
A leur arrivée chaque matin les enfants sont déshabillés, lavés, et leurs
vêtements changés. Les plus petits occupent leurs berceaux, dans une salle
séparée. Les plus grands ont deux salles à leur disposition. Dans l'une ils
jouent et prennent leurs repas. Dans l'autre ils font la sieste, couchés dans
des lits. Chacune de ces trois salles a 8,40 mètres de longueur sur 7,80 mètres
de largeur et 4,80 mètres et 4,60 mètres de hauteur, soit un cube d'air de 300
mètres. Elles donnent d'une part sur le jardin, d'autre part sur
la cour.
Éloignées ainsi de la rue, elles peuvent bénéficier du maximum d'air et de
lumière par les larges baies qui en occupent deux côtés.
La crèche comporte en outre une grande salle de change et de toilette, avec
lavabos, douches et baignoires, des cabinets bien aérés et éclairés, une
biberonnerie, une cuisine, le bureau de la directrice, une lingerie, une.
chambre d'isolement, une salle d'attente pour les mères, un vestiaire. En
sous-sol une installation moderne de buanderie mécanique, de séchoir-étuve et de
repassage permet de laver tout le linge.
Le jardin a été récemment transformé pour pouvoir être utilisé l'été par tous
les enfants. Les plus grands y occupent sur la pelouse un parc de 10 x 12
mètres. Les plus jeunes peuvent être mis dans de petits lits pliants, sur une
terrasse, garantis du vent et du soleil par un système de stores.
La municipalité, clans un souci constant de ce qui concerne les enfants, s'est
efforcée d'apporter à l'aménagement et au fonctionnement de la crèche toutes les
améliorations possibles. Ce qui a été réalisé dans ce but depuis dix ans en est
la preuve :
En 1924 : buanderie mécanique, machine à laver, essoreuse.
En 1925 : séchoir-étuve, garage pour voitures d'enfants.
En 1926 : transformation de la cour poussiéreuse en un jardin avec pelouses et
parterres de fleurs.
En 1928: parc d'enfants dans le jardin.
En 1929 : chariot porte-bébé, appareils Youpa-la.
En 1930 : réfection de la peinture intérieure.
En 1931: chaudière, achat d'un pèse bébé moderne.
En 1932 : ravalement et peinture extérieurs, remplacement de la vaisselle
métallique par des assiettes et des gobelets en bakélite.
En 1933 : lessivage des peintures intérieures, installation de stores et de
portiques dans le jardin.
Les services rendus par la crèche de Montrouge ressortent de l'examen des
statistiques publiées chaque année sur la fréquentation des enfants dans les
crèches du département de la Seine (Paris compris). Voici le nombre de journées
de présence à la crèche de Montrouge durant les dix dernières années :
Années | Journées de présence | Moyenne par jour |
1925 | 8 265 | 30 |
1926 | 8 123 | 28 |
1927 | 10 052 | 33 |
1928 | 9 943 | 33 |
1929 | 10 957 | 36 |
1930 | 11 842 | 39 |
1931 | 11 567 | 38 |
1932 | 12 548 | 44 |
1933 | 12 334 | 43 |
Actuellement la crèche de Montrouge par sa fréquentation, arrive en tête des 110
crèches de Paris et du département de la Seine. La crise économique, le nombre
croissant des femmes obligées de travailler pour élever leurs enfants, souvent
seules, sont évidemment des facteurs importants de cette progression. Mais il en
est un autre qui a largement contribué à ce résultat, c'est le fait que, ces
dernières années, la crèche n'a plus jamais été fermée temporairement pour cause
d'épidémie. En pratique la maladie qui nécessitait chaque année, et souvent
plusieurs fois au cours de la même année, la fermeture de la crèche, était la
rougeole. Les épidémies de diphtérie sont rares dans les crèches ; la
vaccination par l'anatoxine de Ramon permet actuellement de les éliminer. Les
épidémies de varicelle sont bénignes et ne nécessitent pas de fermeture. La
coqueluche ne produit pas d'épidémies massives. Il n'en va pas de même pour la
rougeole, ses épidémies sont fréquentes, meurtrières et obligeaient chaque fois
à fermer la crèche au moins 15 jours. A partir de 1927 la séro-prophylaxie de la
rougeole par le sérum de convalescents fut appliquée systématiquement à la
crèche de Montrouge ; son emploi donna de si heureux résultats que M. Cresp,
maire de Montrouge et conseiller général, présenta à la tribune du Conseil
Général de la Seine un rapport détaillé sur la question et fit adopter une
proposition invitant l'administration à généraliser la séro-prophylaxie de la
rougeole dans les crèches du département.
Les résultats obtenus par la nouvelle méthode à la crèche de Montrouge
ressortent des chiffres suivants :
ANNEE | Enfants inscrits à la crèche | Jours de fermeture pour épidémies | Décès par rougeole |
1925 | 115 | 29 | 9 |
1926 | 117 | 9 | 6 |
1927 | 127 | 0 | 0 |
1928 | 134 | 0 | 8 |
1929 | 127 | 0 | 0 |
1930 | 160 | 0 | 1 |
1931 | 142 | 0 | 1 |
1932 | 140 | 0 | 0 |
1933 | 132 | 0 | 0 |
Le principe de ne pas fermer la crèche est à tous points de vue excellent. Une
brusque fermeture forçait les mères à trouver une autre solution, toujours
imparfaite, souvent mauvaise, pour assurer la garde de leurs enfants pendant
leur journée de travail; parfois même elles étaient obligées de s'en séparer
complètement. Les enfants qui étaient en période d'incubation de la maladie
allaient la disséminer dans leur nouveau milieu. Et quand, l'épidémie terminée,
la crèche rouvrait, c'était toujours avec un effectif très diminué. La
fréquentation actuelle des enfants est plus régulière ; leurs contacts avec les
milieux extérieurs sont moins prolongés, et de ce fait les épidémies elles-mêmes
sont plus rares.
La rétribution journalière demandée aux mères est de 1,50 fr. pour le premier
enfant, et 1 franc pour le second. La gratuité est accordée aux mères dont la
situation l'exige.
Depuis que la crise économique sévit, la crèche contribue à en combattre les
effets sur les petits enfants : ceux-ci sont assurés d'y être bien nourris, bien
soignés et à l'abri des intempéries. La municipalité de Montrouge dont l'oeuvre
sociale est la juste fierté, le maire de Montrouge qui ne sait rien refuser à
l'enfance qui souffre, s'attacheront toujours à faire de la crèche un refuge
sain et gai pour les petits enfants dont le premier âge, au moins, ne devrait
jamais connaître la misère.