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LE CENTRE ADMINISTRATIF ET LA SALLE DES FETES
Des son arrivée à la mairie, le Conseil élu en 1925 constata que les services administratifs épars dans les divers bâtiments municipaux ne disposaient ni de l'espace nécessaire, ni même des conditions hygiéniques les plus élémentaires. Si la gêne était grande pour les employés et leur travail difficile, le publie lui‑même en souffrait par l'attente imposée et par la complication des opérations. Le rythme accéléré de la vie municipale au cours des années qui suivirent ne fit qu'aggraver la situation. A la mairie même, les services centraux étouffaient dans des bureaux dont menaçaient de les chasser les dossiers qui s'accumulaient. Le développement des lois d'assistance et le chômage encombraient les couloirs d'un public ‑ hélas ! ‑ toujours plus nombreux. A l'annexe de la mairie, des services multiples, les uns municipaux, les autres d'état, fonctionnaient dans un antique bâtiment, dont les religieuses du Très‑Saint‑Sacrement n'avaient pas, le construisant au XVII siècle, prévu la destination : dispensaire municipal, justice de paix, perception, enregistrement, chiffre d'affaires, bibliothèque, vestiaire. Enfin le commissariat et le poste de police occupaient une vieille masure, même pas pittoresque.
La municipalité jugea que pour remédier à cet état de choses il fallait dresser un plan d'ensemble dont telles furent fixées les grandes lignes : un bâtiment monumental serait élevé, en face de la mairie, sur l'emplacement de l'ancienne école de garçons (remplacée par une école neuve, rue de Bagneux); ce bâtiment comporterait essentiellement une salle des fêtes,1, 2, 3, 4, au premier étage, au rez‑de‑chaussée tous les services administratifs de la Ville et de l'état , au second étage la Justice de Paix; le commissariat, et le poste de police seraient installés dans une aile du nouveau bâtiment. Ainsi seraient groupés, en un véritable centre, tous les services administratifs, pour la plus grande commodité du public et le meilleur rendement du travail. Dans la mairie proprement dite resteraient les bureaux du maire et des adjoints, les services modernisés du secrétariat général, la salle du Conseil municipal et la salle des mariages. L'ancienne salle des fêtes serait transformée en bibliothèque. D'autre part, le dispensaire municipal serait transféré avec les services en dépendant dans un centre médico‑social, à construire rue Amaury‑Duval. L'annexe de la mairie, débarrassée de tous les services qui l'occupaient, deviendrait la caserne des pompiers dont l'important matériel moderne était logé dans le garage municipal attenant. Ce programme est actuellement exécuté, sans que le taux des impositions communales ait été de ce fait augmenté.
Le nouveau Centre administratif est l'oeuvre de l'architecte Henri Decaux : ses travaux précédents à Montrouge ‑ construction du groupe d'habitations du Haut‑Mesnil, transformation de l'hospice Verdier ‑ le désignaient pour être chargé de la conception et de la réalisation du bâtiment communal qui devait s'élever au centre de la ville et couronner l'oeuvre municipale commencée en 1925. L'édifice aujourd'hui terminé consacre, par les suffrages admiratifs qu'il réunit, le goût, le sens pratique et la conscience professionnelle de son architecte, dont le tempérament artistique et la science technique se révèlent aussi bien dans le moindre détail que dans le plan général.
M. H. Decaux a su éviter tout contraste regrettable entre le monument moderne qu'il a élevé et l'ancienne mairie dont l'honnête style vaguement Louis XIII vaut mieux que celui de beaucoup d'hôtels de ville construits à la même époque, c'est‑à‑dire dans la seconde moitié du siècle dernier. Dès maintenant, on peut se rendre compte que la juxtaposition des deux édifices communaux n'a rien qui heurte la vue.
Le jardin et l'avenue qui les séparent suffisent à permettre la transition, et la vieille mairie ne se trouve ainsi nullement écrasée par les dimensions du centre administratif, ni par ses hautes qualités architecturales. D'ici quelques mois, la petite église paroissiale dédiée à Saint Jacques le Majeur, située à côté de la mairie sera démolie ; élevée en 1832, elle est sans prétention et ne méritera guère de regrets, au point de vue artistique. Une nouvelle église est en construction immédiatement derrière l'église actuelle sur l'emplacement de laquelle sera créé un parvis de verdure. Quel effet réserve ce nouveau monument ?
Nous ne pouvons être sans une certaine appréhension à la vue de ce grand vaisseau dont le style très moderne prendra difficilement place dans ce cadre, et dont le béton apparent aura, nous semble‑t‑il, quelque peine à s'harmoniser avec la brique et la pierre de taille des deux édifices communaux. Le Centre administratif a sa façade principale, large de 35 mètres, sur l'avenue EmileBoutroux ; c'est plus précisément la façade du Palais des Fêtes. Les façades latérales, longues de 78 mètres, donnent l'une, sur l' avenue de la République, l'autre, sur la rue du Colonel‑Gillon. A l'extrémité du bâtiment, sur l'avenue de la République, le commissariat et le poste de police occupent une aile entièrement indépendante; leurs locaux vastes et lumineux contrastent avec l'ancien commissariat de Montrouge et même avec les plus modernes des autres commissariats. Un garage spécial s'ouvre en arrière, sur la rue du Colonel‑Gillon.
Les façades, où la brique de Bourgogne se marie à la pierre de taille, offrent un dessin strictement rectiligne, mais exempt de toute monotonie grâce à l'heureuse alternance des couleurs et des reliefs, et grâce à la place importante réservée à la sculpture. La façade principale, sur l'avenue Emile‑Boutroux, évoque par son seul aspect les fêtes qui l'animeront. Sous le vaste auvent protecteur les cinq doubles portes aux battants de glace s'ouvrent accueillantes à la foule. Les hautes baies, entre lesquelles les bas‑reliefs de Louis Sajous célèbrent "la danse et les arts", s'illuminent le soir des feux des lustres. La façade sur l'avenue de la République est peut‑être plus sévère, mais ses verrières laissent entrer à flots la lumière dans le grand hall des bureaux administratifs. La frise de Sajous, qui court tout le long des façades, évoque en une série de bas‑reliefs aux creux puissants la vie quotidienne de Montrouge avec ses travaux et ses distractions: ateliers d'imprimerie, de produits chimiques et de poterie, enseignement, T. S. F., sports, vie de famille, aspects de la rue. D'inspiration locale, de conception simple et vivante, sculptés en pleine pierre de façade, ces basreliefs forment partie intégrante du monument et contribuent à en marquer la destination. Mais le caractère essentiel de la maison commune est affirmé par le beffroi qui, frappé à sa base des armes de la ville, s'élève d'un jet à 43 mètres du sol pour veiller sur la cité et en régler la vie au rythme de ses heures lumineuses et de sa cloche au timbre musical.
Le large vestibule d'entrée donne accès dans le hall, de 34 mètres de longueur sur 30 mètres de largeur, autour duquel sont disposés les bureaux administratifs de la ville et de l'état: état‑civil, assistance, écoles, hygiène, architecture, octroi, perception, chiffre d'affaires, etc.. Au centre, un vaste espace est réservé au public qui y trouve des sièges et des tables à sa disposition. Deux bureaux indépendants, à droite et à gauche de l'entrée principale, sont occupés par les services de la Recette municipale et ceux de l'Enregistrement. Les employés ont l'usage de vestiaires réservés et d'un agréable réfectoire; une cuisine adjacente leur permet de réchauffer leur repas sur de multiples fourneaux électriques.
Les grandes dimensions des salles ne donnent pourtant aucune impression de froideur, grâce au soin apporté au choix des moindres détails. L'absence de tout couloir, dans l'édifice entier, élimine les coins sombres et permet à l'air et à la lumière de circuler partout. Du vestibule d'entrée partent les ascenseurs et, à droite et à gauche, les deux escaliers d'honneur, à double révolution, dont les rampes en fer forgé et cuivre, de Brandt, répètent jusqu'au premier étage l'initiale stylisée de la ville. Là s'étend un vaste palier, éclairé par un haut lanterneau octogonal, et sur lequel donnent d'une part la salle des fêtes, d'autre part le foyer du public et les vestiaires. Le foyer, dont les portes‑fenêtres s'ouvrent sur la façade et, latéralement, sur deux terrasses, est orné de deux frises sculptées par Des Corats : le Tabac et le Vin. La salle des fêtes a 33 mètres de longueur sur 21 mètres de largeur et 12 mètres de hauteur. Elle contient 1.600 spectateurs assis et, les soirs de bal, les fauteuils peuvent être démontés et enlevés. La salle a été comprise pour servir à des spectacles scéniques, à des concerts, à des réunions publiques, à des conférences, à la danse, au cinéma. L'acoustique a été très particulièrement étudiée ; étant donnés les usages multiples de la salle, il a fallu trouver une solution moyenne entre les solutions qui, pour chaque cas, auraient été les plus favorables. L'éclairage indirect et semi‑indirect donne une lumière diffuse d'une grande puissance mais sans aucun effet d'aveuglement. L'aération est assurée par une installation mécanique de climatisation : l'air prélevé au dehors est traité dans des chambres spéciales situées au sous‑sol, porté à la température et au degré hygrométrique désirés, et injecté clans la salle par de multiples bouches défilées au regard; l'air vicié et la fumée sont d'autre part aspirés par des orifices percés dans les parties hautes de la salle. Ainsi, sans aucun courant d'air ni fenêtre ouverte, l'atmosphère est constamment maintenue claire et agréable.
La scène est munie de tous les perfectionnements nécessaires au théâtre; les coulisses comprennent un foyer et de charmantes loges d'artistes, décorées avec le meilleur goût. Le rideau d'avant‑scène et les décors sont l'oeuvre de Paul Mathos. Le décor de place publique et le décor d'intérieur sont d'une exécution pleine de fantaisie et peuvent se prêter à une grande diversité de « plantations» et à de multiples combinaisons. Pour le rideau d'avant‑scène dont la maquette avait été remarquée au salon d'automne de 1932 et avait figuré avec honneur à l'exposition de la danse dans l'art, à Vienne en 1933, Paul Mathos s'est inspiré de la charmante fantaisie de Claude Debussy, le Golliwogg's cakewalk, qu'il a interprétée, en peintre de façon fort décorative.
Devant la scène une fosse est aménagée. qui pourra recevoir facilement les orchestres symphoniques les plus complets. Deux escaliers latéraux font, communiquer directement la salle et la scène et permettent d'utiliser celle‑ci comme tribune pour les conférences ou réunions publiques. La cabine de cinéma, isolée sur la terrasse supérieure du bâtiment, comporte deux appareils pour films sonores, un appareil à projections fixes, un récepteur de T.S.F. et un appareil à disques. Les précautions de sécurité, là comme partout dans l'édifice, ont été scrupuleusement prises pour éviter tout sinistre.
Au deuxième étage au‑dessus du foyer du public, la Justice de paix est rendue dans une salle claire et avenante dont les fenêtres s'ouvrent sur la sérénité du ciel.
Au sous‑sol du bâtiment se trouvent, outre les réserves d'archives et de matériel, des salles de boxe et de culture physique avec installation hydrothérapique et des salles de réunion pour les sociétés locales.
Des esprits chagrins sont‑ils tentés de trouver cet édifice trop grand et trop beau
La réflexion et le temps les détromperont vite. L'oeuvre réalisée, c'est la maison commune des 32000 habitants de Montrouge. Tous sont appelés à y venir et à y revenir il n'est pas d'événement familial, joyeux ou triste, pas d'acte civique ou social, pas de démarche officielle ni de formalité, qui ne les amènera en ces lieux. Et, aux heures d'allégresse générale, c'est encore là qu'ils se porteront en foule: tels, par cette belle soirée du printemps 1934 ils vinrent à l'appel de leur maire fêter dans leur maison illuminée pour 1a première fois l'enfant de Montrouge dont les ailes avaient remporté le trophée.